Après des mois de morfondage en haut de sa tour de béton armé dans le royaume du KaBé et malgré ses vaines tentatives d’évasions reposant sur des plans vaguement pourris et des offres d’emploi douteuses, princesse Manue ne cessa jamais de croire en son retour prochain vers son pays d’aventures joyeuses zé épiques. Toute occupée qu’elle était à faire des gâteaux tout le jour durant en tissant des rêves accrochés à de minces espoirs et à des projets plus ou moins (voix-off : « moins ! moins ! ») vraisemblables, elle conservait en elle cette ambition profonde. Et puis un jour, à force de mettre du cœur à l’ouvrage, Manager Labonnefée rendit visite à princesse Manue et lui dit :
« Tu as bien fait tout pleins de bons biscuits pour tous les petits enfants d’Europe ma fille, et pour cela tu seras récompensée. Pendant toute une semaine, tu auras le droit de retourner dans cet endroit qui t’a tant manqué… Mais attention, sept jours et pas un de plus ! A l’issue de cette période, une tempête viendra s’abattre sur ces contrées lointaines et tu seras emportée dans les abysses si tu ne fuis pas à temps »
Et c’est à peu près ainsi que Tom-Tom et moi sommes repartis à la conquête de l’Amérique après plus d’un an d’absence, direction : le New-Jersey. Pour les non-initiés à la géographie américaine, le New Jersey est un peu à New York ce que le Val d’Oise est à Paris : c’est pas loin, mais ça n’a rien à voir ! Par exemple, ça agace beaucoup les gens de la grande ville toute proche quand ceux de la région paumée disent que «nan, enfin j’habite pas tout à fait là mais juste à côté, c’est presque pareil », et les habitants de la sus-nommée mégalopole de répondre « nan trop pas ! ca n’a R.I.E.N. A V.O.I.R. » ! Enfin moi je retiens surtout que c’est juste à côté et perso ça m’arrange…
Petit détail à savoir si vous vous rendez là-bas un jour (pourquoi j’en sais rien mais sait-on jamais) et qui à mon avis fait partie des facteurs qui font du New Jersey l’Etat le plus détesté des Etats-Unis : la conduite ! En gros, pour saisir le concept de « « « « conduite » » » » là-bas, il faut se représenter le système routier de la manière suivante : des routes dans un état d’entretien assez proche des chemins de transhumance du parc national des écrins au mois de janvier qui seraient disposées selon des plans élaborés par un ingénieur des ponts et chaussées sous acide et sur lesquelles circulerait une très dense population de parisiens soudainement et simultanément frappée de cécité... et je suis en dessous de la vérité ! Mais je reviendrai sur cette information plus tard…
Bref, j'embarque Tom-Tom dans mon sac à main et nous voilà partis en Amérique comme dirait ma grand-mère ! « Pourquoi cette grognasse a mis son GPS dans son sac à main ? » vous demanderez-vous. Et bien déjà c’est pas très gentil de me traiter de grognasse, et ensuite non, ça n’a rien à voir avec la consommation de champagne lors du mariage de mon frère la veille de mon départ, ni à un Alzheimer précoce, ni non plus à un éventuellement attachement extrême malsain à ce qui ne reste tout de même qu'un objet, mais par pure prévoyance ! Connaissant ma chance avec les vols aux Etats-Unis (un rapide calcul estime à 6 jours 5h et 57minutes mon temps perdu dans des aéroports à cause de soucis d’avion aux USA), et vu que je devais conduire toute seule depuis l’aéroport jusqu’à l’hôtel et qu’il y avait environ onze chances sur dix que mes bagages n’arrivent pas, je risquais donc de ne pas avoir accès à mon GPS si je ne le prenais pas sur moi. Et les lois de la statistique étant inébranlables, ça n’a pas manqué !! La pauvre dame de BA s’est confondu en excuses parce que ma correspondance de douze minutes vingt-trois secondes à Heathrow provoquée par un retard sur mon premier vol (…) n’a pas permis de transférer mes bagages (mais m’a permis d’entretenir ma forme physique au cours d’un petit jogging dominical). Bon, ils m’ont donné 200$ (le fait de voyager en business doit y être pour quelque chose… oui Manager Labonnefée est très généreuse), je m’y attendais, pas de problème ! JE SUIS AU STAILLTES !!!!
Je me dirige donc toute fière au volant de ma voiture (qui n’arrivera jamais à la cheville de ma Chevy dorée chérie) vers l’hôtel tout près de là où je devrais travailler. L’aventure aurait pu s’arrêter là si on laissait de côté l’inaptitude pathologique à la conduite des Newjersiens ! Un soir où nous nous rendions à la Cheesecake Factory, le long d’une route embouteillée, une voiture de police qui devait faire un constat pour un accident (qui sont nombreux donc) gênait une file, le mec devant moi se rabat, et moi qui me noyais dans les yeux bleus de Tom-Tom, évidemment, je lui rentre dedans ! NOOOOOOOOOON !!! le monsieur devant moi sort de la voiture, je me dis que je ne suis tout de même vraiment pas d’humeur à me prendre un coup de poing ce soir, mais il vient juste me dire un truc du genre « I know you bumped into my car, it’s alright, now go back home » (que google traduction traduirait par « je sais tu es rentrés dedans ma voiture, ça va, rentre à la maison maintenant) , moi j’ai juste eu le temps de répondre « ababbab….bleble » et le voilà parti… Donc probablement un mec qui roulait sans assurance (c’est assez fréquent aux Etats-Unis, c’est la crise rappelez-vous !) et qui a dû flipper en voyant la voiture de police juste à côté. Bon ben ça fera déjà ça de moins à payer ! Enfin ma voiture de loc est quand même abîmée, c’est pas cool du tout. Je passe donc une bonne soirée à établir une approximation du nombre de jour de régime-patates que je devrais suivre pour rembourser les dégats avant d’avoir quelqu’un de la compagnie de location au téléphone qui me dit « vous inquiétez pas, vous êtes couverte, ça ne vous coûtera rien » - YEEEEEEEEES ! (google traduction : « OUIIIIIIIIII ! »). Je ne sais pas qui est ce monsieur que j’ai eu au téléphone, mais je l’ai aimé d’un amour sincère et profond l’espace de quelques heures !
La semaine de travail intensif (c’est très physique de faire des gâteaux) se termine, le week-end approche et avec lui la perspective de revoir mes amis qui m’ont tant manqué ! Je passe donc le vendredi soir à New-York (la base !) puis rejoins d’autres amis à Philadelphie le lendemain pour célébrer Halloween. A peine le temps de dire « oulàlàc’étaitchouette » et nous voici déjà Dimanche, il est temps pour moi de rentrer. Mais petit problème, il y a un petit ouragan qui menace la région (oui c’est une habitude, et vous pouvez vérifier, ce n’est la saison des ouragans nulle part dans le monde)… Je vérifie donc mes vols, bon, ça a l’air d’aller, je devrais pouvoir partir. J’essaie de m’enregistrer, n’y arrive pas, entre temps je me rends compte que les trains pour retourner à Newark sont : 1- hors de prix, 2 – complets. Je vais donc me faire ramener par un ami… Je vérifie mon vol, essaie de joindre l’aéroport et la compagnie aérienne mais n’y arrive pas (sans blague). Je vérifie mon vol (encore), tout ça, et là, surprise !!! Mon vol était pour le 17 et nous sommes le… 18 ! Donc là, grosse angoisse, je maudis un peu la compagnie de voyage qui n’a pas compris que je voulais partir dimanche pour arriver tôt le matin le lundi, mais croyait que je voulais rentrer tôt le dimanche matin à Paris (nan mais franchement, pourquoi je voudrais faire ça !), et je me mets à appeler la compagnie… qui ne répond toujours pas ! Bref, après plusieurs minutes, je me dis qu’il faut que j’aille à l’aéroport parce que d’une part mon cœur ne va pas tenir le coup pendant longtemps à 347bpm et d’autre part, je n’arriverai jamais à parler à quelqu’un si je ne vais pas sur place, donc go ! Ca paraît simple comme ça mais c’est quand même à 2h de là où j’étais, probablement les 2 heures les plus longues de ma vie après l’attente des résultats des concours et le cours sur la sécurité mondiale à la JAPD (Journée d’Appel à la Préparation pour la Défense). Pour re-contextualiser : les aéroports doivent fermer pour 2 jours voire plus, donc si je n’ai pas de vol, je reste bloquée pour toute une semaine dans une région menacée par un ouragan, je manque mon travail, et je repaie un billet. Bof, au moins ça fait une histoire à raconter n’est-ce pas ! J’arrive donc à l’aéroport, explique à la nana du guichet que je suis un boulet (en gros) et après 15 minutes de tapotage muet sur PC « c’est bon, vous pouvez aller enregistrer vos bagages ». HAAAAAAAAAAAAALLELUJA !!! Je me dis que ça doit probablement être la femme du monsieur de la compagnie de location de voiture et que je vais ériger une statue à l’effigie de leur couple dans mon salon-chambre, tant pis pour le canapé convertible, je continuerai de dormir parterre.
Enfin me voilà rentrée, saine, sauve et sèche. Enfin pas tout à fait… comme je suis quelqu’un de très empathique, j’ai compati au sort américain et ai eu un dégât des eaux par pur esprit solidaire juste en rentrant chez moi (sans commentaires). Ce fut encore une fois épique, j’ai retrouvé tout ce que j’avais laissé là-bas : un environnement de travail épanouissant, des amis un peu fous et ma poisse avec les aéroports. Et je peux le dire, j’ai hâte d’y retourner !