Méthode Assimil 1974 – page 1
Car oui, après des recherches d’archives intenses et poussées, il a été démontré que c’est de là que vient la phrase célébrissime "my tailor is rich" qui n’évoque absolument rien du tout à qui que ce soit ici. (attention, l’histoire qui suit est bourrée d’anachronismes). Il faut dire aussi que la dernière fois qu’un anglo-saxon a utilisé cette phrase, on devait être en 1583, dans un salon mondain de la campagne britannique où un jeune dandy se pavanait dans sa nouvelle tenue sur mesure. Il expliquait alors à son auditoire captivé et sous le charme que ce n’est pas l’allure qui fait le beau-gosse, mais la coupe de sa chemise, parfaitement exécutée par son très talentueux tailleur italien, si talentueux que les hommes de toutes générations demandaient à leur valet de faire la queue pour eux afin d’espérer obtenir un rendez-vous dans l’année. « Yes indeed! My tailor is rich ha ha ha (rire pincé) ». Puis la crise financière a frappé durement le marché de la mode et les traders en tissu ont fait faillite. Ce fut donc la dernière fois que cette phrase fut prononcée. Et à cette époque, les Etats-Unis n’étaient qu’une vulgaire colonie britannique peuplée de 867 bagnards/prostitués/Amish répartis entre 13 Etats ruraux le long de la côte est. Pas de tailleurs là-bas. Voilà pourquoi personne n’a jamais entendu cette phrase ici.
Enfin bref tout ca pour dire qu’il est temps de rédiger une petite bafouille sur la langue de Shake-Spears (je sais pas si elle a pensé à ça mais clairement elle a un filon de boissons amincissantes à exploiter la Britney là).
Pour moi, le langage est l’âme d’un pays (oh c’est profond ça !). Il est la trace de toute une histoire, garde l’empreinte de toutes les racines qui ont forgé une nation pendant des siècles et des siècles (Aaaaaamen). Par ailleurs, il est le reflet constant de la mentalité d’un peuple, de la dynamique d’une communauté (c’est pour cela que je distingue l’anglais de l’américain). Enfin, à l’échelle de l’individu, le langage est l’expression sonore d’une personnalité.
Pour maîtriser une langue étrangère parfaitement, il ne suffit pas de l’apprendre, il faut la comprendre (ouah c’est beau !). Je ne parle pas de comprendre ce qu’une personne nous dit, je parle de comprendre comment la langue fonctionne et comment les personnes qui la parlent l’utilisent. On ne peut pas être totalement bilingue si on ne vit pas la langue. C’est pour cela que le seul moyen de maîtriser une langue étrangère est de vivre dans le pays étranger. Donc voilà, j’aime les Etats-Unis et j’aime les Etats-Uniens, et c’est pour ça que j’aime l’anglais.
Retour au mois de février, ma fraîche arrivée. Mentalité « Bwahaha ! Trop easy ! je masterize l’anglais beaucoup trop well ! » tout en sachant évidemment qu’il me faudrait un peu de temps pour m’y faire parce que je ne me considérais pas non plus comme bilingue et que ça faisait des mois que je n’avais pas parlé anglais.
Bon alors évidemment, j’ai été calmée assez rapidement puisque même si je comprenais plutôt pas mal, je ne comprenais pas tout non plus. Du coup, après un simple entretien informel avec quelqu’un au travail, subsiste l’étrange sentiment de : et si jamais j’avais raté une information importante à ce moment là quand j’ai compris « let’s the palty frot and again » ? Bon mais depuis ça s’est arrangé, je reformule quand je suis pas sûre d’avoir bien compris et je ne rate pas trop d’info donc je ne dois plus avoir l’air trop débile.
Ce qui est galère avec « l’américain », c’est que c’est une langue :
- très très idiomatique
- avec beaucoup de jargon, de « slang »
- qui est très « sur mesure » (les gens peuvent inventer des mots, des verbes, quand ca les arrange)
Je suis contente de pouvoir dire maintenant que je suis à l’aise avec la plupart de ses aspects et que je les comprends plutôt bien (mais bon j’apprends des mots tous les jours). Je comprends pas mal les paroles des chansons (ça m’économise un temps fou en recherches de paroles sur internet ! je peux apprendre mes chansons par cœur en conduisant maintenant ! je serai super au point sur tous les tubes à la rentrée ! youpi !) et la radio en général. Je comprends les infos formelles mais aussi l’humour et les jeux de mots de mieux en mieux. Ma fierté ultime étant de parvenir à comprendre le Dr Cox dans Scrubs, oui oui !
L’écrit aussi était un challenge. Avant de partir, il me fallait environ une bonne demi-heure pour envoyer un mail de 5 lignes. A mon arrivée, l’unité de mesure de mon niveau écrit d’anglais était le nombre-de-minutes-avant-de-googliser-collins. Depuis je vais beaucoup plus vite, déjà parce que j’ai progressé (quand même) et puis je me suis un peu détendue : même les américains font des fautes d’orthographe en anglais !
Maintenant, pour ce qui est de l’oral, c’est une toute autre histoire… Je pense sincèrement que mon accent n’a pas du tout progressé (est-ce que passé un certain âge on garde le même accent pour toujours ?). Au tout début, je me sentais profondément débile à ne pas pouvoir aligner trois mots dans une conversation courante. Parce que oui, on a apprend à faire une présentation sur les conséquences socio-économiques de la guerre en Irak mise en parallèle avec la guerre du Vietnam, mais on n’apprend pas à parler de son quotidien… Je savais dire « édulcorant » mais pas « courgette ». Et honnêtement je trouve que ça n’a pas beaucoup changé. Les mots ne viennent pas spontanément, les conjugaisons non plus. Je me sens incroyablement muette, désarçonnée et avec le vocabulaire d’un enfant de 2 ans. Ce qui fait que je ne parle pas beaucoup (si si, je vous jure), mais bon du coup j’écoute et j’observe plus aussi, ce qui est intéressant mais pas idéal. C’est réellement parfois une souffrance de ne pas pouvoir m’exprimer, il m’arrive de commencer une phrase puis de dire « ouai non laisse tomber je sais pas comment on dit ca en anglais ». Le plus frustrant pour moi est de ne pas pouvoir faire d’humour. Je n’ose déjà pas vraiment utiliser les expressions idiomatiques et le « slang » parce que j’ai peur de me planter ou de ne pas les utiliser à propos (parce que « make » veut dire faire, « make up » veut dire se maquiller ou se réconcilier, mais attention, « make out » veut dire chopper…). Et je ne suis à l’évidence pas assez à l’aise pour faire des jeux de mots ou utiliser des termes avec subtilités plutôt qu’un autre pour faire un effet de style recherché (et drôle). Et puis l’humour de base américain n’est pas tout à fait le même qu’en France donc on passe facilement pour un crétin quand on essaie de dire un truc de manière drôle.
Tout ça pour dire que je me sens un peu schizophrène, partagée entre l’envie de dire quelque chose et l’incapacité de savoir comment l’exprimer de la manière exacte que j’utilise en France et à laquelle j’ai du mal à renoncer. J’essaie malgré tout de garder l’œil vif et le regard intelligent pour ne pas passer pour une parfaite abrutie en société. Et du coup je dois sûrement donner une impression très différente de celle que je donne en France (parce que je sais pas si vous avez remarqué mais en vrai je suis plutôt assez bavarde, oui oui). D’où ma question : devient-on une autre personne quand on est dans un pays étranger ? (vous avez 4h…)
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